Friday, January 28, 2011

Who Was Toussaint Louverture?

(Version française ci-dessous)

Toussaint Louverture is undoubtedly the most famous of Haiti’s sons, but also its most misunderstood. Over the years, he has become a symbol of rebellion and is generally seen as a former slave whose lifelong goals were emancipation and independence for Haiti. Historians have uncovered many documents over the past thirty years that contradict this reputation and prove him to be a complex and fascinating figure who was ambiguous about emancipation and independence. These facts have yet to sink into public consciousness, so here is what we know so far.

There is no record documenting Louverture’s birth. That he was born in Haut du Cap is likely, but the date traditionally given for his birth (20 May 1743) is highly suspect. He is often described as the slave of the “Comte de Noé” or “Bayon de Libertat,” but Louverture actually belonged to other members of the Bréda family, Elizabeth Bodin (until 1752), then Pantaléon II Bréda (Donnadieu, Un grand seigneur et ses esclaves).

Louverture’s life as a slave was unlike any other. He was unusually well treated and eventually freed, which was exceedingly rare for a black man. As a freedman, like many other free people of color, he acquired land… and slaves. So the man usually described as an apostle of freedom actually experienced both sides of colonial life: as a slave and a slave owner (Debien / Fouchard / Menier, Toussaint Louverture avant 1789: Légendes et réalités).

Whether Louverture supported emancipation early in the Haitian Revolution is unclear. There is no mention of his role in the August 1791 slave uprising. He first surfaces in the documentary record at the end of the year, when he tried to broker an agreement with French authorities under which rebel leaders would have been freed, but their followers would have returned to work. The authenticity of a 1792 letter in which his nephew Belair advocated emancipation has been put in question. August 1793 letters by Louverture on the topic were ambiguous (Popkin, You Are All Free).

In the end, it was Félicité-Léger Sonthonax and Etienne Polverel, not Louverture, who abolished slavery in Haiti (1793), and the French Convention that confirmed it (February 1794). Louverture was at the time fighting for slave-owning Spain, and only joined the revolutionary French army later, in May-June 1794, for reasons that remain unclear (Geggus, The Volte-Face of Toussaint Louverture).

Louverture’s immense political skills allowed him to rapidly climb in the ranks of the colonial pyramid, until he became de facto leader of the colony by 1798. His rule was marked as always by ambiguity, as befitted a man who had been a slave—but not a field hand—and a slave-owner—but not an elite grand blanc. So he insisted that slavery should not be restored… but forced former slaves to remain on the plantations as serfs. He allowed white planters to return to the colony… but viewed them with deep suspicion. He was, in the words of his biographer, “a black revolutionary from the Old Regime” (Pluchon, Toussaint Louverture).

Most controversially, Louverture leaked French plans to spark a slave revolt in Jamaica so as to endear himself to the British governor. He also incited slave traders in Jamaica to ship black laborers to Haiti to help repopulate the island. He invaded Santo Domingo, but apparently did not free the slaves there (Girard, Black Talleyrand).

Smart, pragmatic, devious, tireless, womanizing, imperious, ambitious: Louverture resembled Napoléon Bonaparte in many ways. This may explain why the two found themselves on a collision course, as Louverture claimed ever greater day-to-day autonomy and Bonaparte concluded that he would have to be removed from office (Girard, Napoléon and the Emancipation Issue).

Louverture actually never declared or openly favored independence, but Bonaparte sent his brother-in-law Victoire Leclerc to overthrow him nonetheless. Leclerc and Louverture’s armies clashed, then agreed to a ceasefire. But Leclerc had Louverture arrested and exiled because he had heard (from Jean-Jacques Dessalines!) that Louverture’s submission was not sincere.

It was his captivity, in the Fort de Joux, that uncovered other layers of Louverture’s personality, deep beneath the imperious, stern historical figure: the family man, worried about the fate of his wife, sons, and godfather… the angry man, complaining that he had never been considered an equal on account of the color of his skin… the suffering man, who finally understood that he would never leave his cell alive (Louverture, Mémoires).

Louverture died of pneumonia on 7 April 1803. His body is now lost somewhere in the Fort de Joux.



Qui était Toussaint Louverture?


Toussaint Louverture est le plus célèbre des enfants d’Haïti, mais aussi le plus mal compris. Il a acquis au fil des ans la réputation d’un esclave rebelle qui dévoua sa vie à l’abolition de l’esclavage et à l’indépendance d’Haïti. Les historiens ont découvert bien des documents depuis trente ans qui prouvent que Louverture était en fait un personnage bien plus complexe et fascinant, qui adopta une attitude ambiguë quant à l’esclavage et l’indépendance. Mais ces découvertes n’ont pas encore atteint le grand public: voici l’occasion de mettre au clair ce que l’on sait de lui.


Aucun document ne mentionne la naissance de Louverture. Il est probablement né au Haut du Cap, mais la date de naissance que l’on donne généralement (20 mai 1743) est fort suspecte. On parle souvent de lui comme de l’esclave du “Comte de Noé” ou de “Bayon de Libertat,” mais il appartenait en fait à d’autres membres de la famille Bréda: Elizabeth Bodin (jusqu’en 1752), puis Pantaléon II Bréda (Donnadieu, Un grand seigneur et ses esclaves).


Louverture vécut comme nul autre esclave. Il fut bien mieux traité que la norme et même affranchi, chose rarissime pour un homme noir. Une fois libre, comme tant d’autres, il acquit de la terre… et des esclaves. L’homme que l’on décrit souvent comme apôtre de la liberté vécut donc en fait des deux côtés de la société coloniale: comme esclave et comme esclavagiste (Debien / Fouchard / Menier, Toussaint Louverture avant 1789: Légendes et réalités).


Il est difficile de dire si Louverture s’opposait à l’esclavage au début de la révolution haïtienne. Nul document ne retrace son rôle dans la révolte d’août 1791. Il n’apparaît qu’à la fin de l’année, quand il tenta d’arranger un cessez-le-feu qui aurait renvoyé les esclaves à la culture en échange de l’affranchissement de leur chefs. L’authenticité d’une lettre de 1792 de son neveu Bélair (et favorable à l’abolition) est incertaine. Les lettres de Louverture en août 1793 sur le même sujet sont ambiguës (Popkin, You Are All Free).


Au final, ce furent Félicité-Léger Sonthonax et Etienne Polverel, et non Louverture, qui abolirent l’esclavage en Haïti (1793), et la Convention qui confirma leurs proclamations (février 1794). Louverture était à l’époque au service de l’Espagne bourbonne, et ne joignit l’armée française que plus tard, en mai-juin 1794, pour des raisons encore obscures (Geggus, The Volte-Face of Toussaint Louverture).


L’immense talent politique de Louverture lui permit de grimper rapidement les échelons de la hiérarchie coloniale, jusqu’à devenir de facto gouverneur en 1798. Au pouvoir, il fut un dirigeant modéré, sans surprise pour un homme qui avait été esclave (mais esclave privilégié) et planteur (mais pas “grand blanc”). Il s’opposa donc au rétablissement de l’esclavage… mais força les anciens esclaves à rester sur leurs plantations. Il autorisa les émigrés blancs à revenir dans la colonie… mais les soupçonna constamment. Il fut, selon l’expression de son biographe, “un révolutionnaire noir d’Ancien Régime.” (Pluchon, Toussaint Louverture).


Il prit des mesures controversées. Il fit échouer une révolte d’esclaves à la Jamaïque, ceci afin d’amadouer le gouverneur de l’île. Il incita aussi les négriers anglais à importer des Africains en Haïti afin de repeupler la colonie. Il envahit Santo Domingo, sans, apparemment, y libérer les esclaves (Girard, Black Talleyrand).


Intelligent, pragmatique, menteur, travailleur, coureur de jupons, autoritaire, ambitieux: Louverture ressemblait à Napoléon Bonaparte en bien des points. Ceci explique sûrement pourquoi ces deux personnalités fortes finirent par s’opposer, quand Louverture acquit de plus en plus d’autonomie et Bonaparte conclut qu’il faudrait s’en débarrasser (Girard, Napoléon and the Emancipation Issue).


Louverture, à vrai dire, ne déclara jamais vouloir l’indépendance, mais Bonaparte envoya malgré tout son beau-frère Victoire Leclerc pour le renverser. Leurs armées entrèrent en campagne, puis acceptèrent un armistice. Mais Leclerc apprit (de Jean-Jacques Dessalines!) que la soumission de Louverture n’était pas sincère et le fit exiler.


C’est la captivité de Louverture au Fort de Joux qui révéla d’autres aspects de sa personnalité, jusqu’alors cachés sous les dehors austères de l’homme d’état: le père de famille, inquiet du sort de sa femme, de ses fils, et de son parrain… l’homme en colère, accusant Bonaparte de ne pas l’avoir traité en égal parce qu’il était noir… l’homme en souffrance, qui réalisa enfin qu’il ne quitterait jamais son cachot vivant (Louverture, Mémoires).


Louverture mourut de pneumonie le 7 avril 1803. Son corps, aujourd’hui perdu, repose quelque part au Fort de Joux.

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