Friday, March 2, 2012

New article on Toussaint Louverture's arrest

I just published a new article on Toussaint Louverture's June 1802 arrest in the Journal of Haitian Studies (vol. 17:1). It confirms claims by Isaac Louverture that Jean-Jacques Dessalines was complicit in Louverture's arrest, most likely so as to deceive Gen. Leclerc of France, while eliminating a domestic rival.


Je viens de publier un article sur l’arrestation de Toussaint Louverture en juin 1802. L’article confirme que Dessalines avait dénoncé Louverture aux autorités françaises afin de se positionner comme successeur de Louverture et de démontrer sa loyauté aux autorités françaises.


Voici la première page de l’article:



"L’arrestation de Toussaint Louverture le 7 juin 1802 fut sans conteste l’un des tournants de l’histoire haïtienne. Ce jour vit la chute d’une des plus grandes figures de l’histoire du pays, qui au lieu de participer au combat pour l’indépendance finit sa vie au Fort de Joux. Il vit aussi la montée en puissance de Jean-Jacques Dessalines, qui devint dès lors le principal général noir de la colonie et, par la suite, premier chef d’état d’Haïti. L’exil de Louverture reste si présent dans l’imaginaire haïtien que lors de son second exil en février 2004 Jean-Bertrand Aristide cita la célèbre phrase sur “l’arbre de la liberté” en référence à son illustre prédécesseur.[i]
            Outre son importance pour l’histoire et la mémoire collective d’Haïti, l’arrestation de Louverture est notable de par les controverses qu’elle a générées. Les admirateurs de Louverture mettent en question l’authenticité d’une lettre prouvant sa culpabilité, et plus généralement décrivent son arrestation comme injustifiée. Ils notent ensuite que la manière peu glorieuse dont il fut arrêté marqua du sceau de l’infamie les trois généraux français qui en étaient responsables: Jean-Baptiste Brunet, qui mit Louverture aux arrêts; Victoire Leclerc, qui donna l’ordre fatal; et Napoléon Bonaparte, qui avait exigé que Leclerc capturât Louverture dans ses instructions secrètes et qui le laissa agoniser au Fort de Joux. Chez ses hagiographes les plus ardents, l’arrestation de Louverture va jusqu’à prendre des accents dignes du Nouveau Testament. Selon Aimé Césaire, Louverture se laissa volontairement arrêter, choisissant de sacrifier sa vie pour faire triompher la cause de l’indépendance.[ii] Auguste Nemours, dans son “pèlerinage au Fort de Joux,” fit de l’arrestation de Louverture la première station de la Croix du “Sauveur” d’Haïti.[iii] Louverture lui-même se plaignit d’être “couronné des sépine” (sic).[iv]
            Si l’habitation Georges était un Jardin des Oliviers, les forces impériales agissaient-elles pour le compte d’un Judas ? Telle est la question qui préoccupe la deuxième école historiographique, selon laquelle les Français arrêtèrent Louverture à la demande d’officiers noirs désireux de se débarrasser de leur ancien supérieur, nommément Henri Christophe, Jacques Maurepas, et Dessalines.[v] Accuser l’un des héros de la révolution haïtienne d’avoir trahi Louverture est une imputation grave et digne d’être documentée. Hélas, la littérature historique telle qu’elle existe n’apporte pas de preuves, les auteurs prenant parti selon leurs affiliations politiques et nationales plus qu’en vertu de recherches archivistiques. D’un côté se trouvent donc des nationalistes haïtiens insistant sur l’innocence de Louverture et accusant les généraux français de manquer d’honneur, de l’autre des écrivains français (mais aussi Isaac Louverture) rejetant toute responsabilité sur Dessalines pour des raisons de politique ou d’inimitié personnelle.
            Des recherches menées en France et aux Etats-Unis, et plus particulièrement au Schomburg Center de la New York Public Library, dans une vente aux enchères française, et aux archives de l’armée française à Vincennes, permettent aujourd’hui de mettre un terme à ces controverses. Louverture avait effectivement exprimé l’intention de se rebeller contre la France, ce qui dans une optique impérialiste “justifie” son arrestation. Ces sources prouvent en outre que Dessalines, même s’il n’a pas participé matériellement à l’arrestation de Louverture, l’a dénoncé auprès du général Leclerc, s’est félicité de son arrestation, et a probablement reçu de l’argent en contrepartie de sa complicité (ces documents n’impliquent ni Christophe ni Maurepas). Ces recherches montrent ensuite que Dessalines, qui avait déjà contribué à l’échec de la rébellion de Moïse en octobre 1801, dénonça aussi Charles Bélair, Christophe, et Maurepas en août et septembre 1802. Ces recherches apportent enfin des éléments d’information quant à ses mobiles et inscrivent ses actions dans le contexte de ses ambitions politiques en 1801-1802."


[i] Deborah Jenson, “From the Kidnapping(s) of the Louvertures to the Alleged Kidnapping of Aristide: Legacies of Slavery in the Post/Colonial Word,” Yale French Studies 107 (2005), 167.
[ii] Aimé Césaire, Toussaint Louverture: La révolution française et le problème colonial (Paris: Présence Africaine, 1981), 311-312.
[iii] Auguste Nemours, Histoire de la captivité et de la mort de Toussaint Louverture: Notre pélerinage au fort de Joux (Paris: Berger Levrault, 1929), 2.
[iv] Toussaint Louverture à Napoléon Bonaparte (17 Vend. 11 [9 Oct. 1802]), Dossier 1, AF/IV/1213, Archives Nationales, Paris (AN).
[v] Antoine Métral, Histoire de l’expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon Bonaparte (1802-1803), suivie des mémoires et notes d’Isaac l’Ouverture (1825; nouvelle éd. Paris, Karthala, 1985), 298; H. Castonnet des Fosses, La perte d’une colonie: la révolution de Saint-Domingue (Paris: Faivre, 1893), 312; Jean-Baptiste Lemonnier-Delafosse, Seconde campagne de Saint-Domingue du 1er décembre 1803 au 15 juillet 1809 (Le Havre: Brindeau, 1846), 5, 48; C. L. R. James, The Black Jacobins: Toussaint L’Ouverture and the San Domingo Revolution (1963; nouvelle éd., New York: Vintage Books, 1989), 333; Beaubrun Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti, suivies de la vie du général J-M Borgella vol. 5 (Paris: Dezobry et Magdeleine, 1853-1860), 164-170.